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- I.De, Est une diction indeclinable, et tantost est preposition locale, comme, Je viens de Paris, Venio Lutetia, Tantost de temps, comme, de cent ans en ça on ne vid telle chose, Centum ab hinc annis nil tale visum, Tantost materielle, comme, Ma chainne est d'or, Torques meus ex auro est, Ceste statuë est de marbre, Haec statua marmorea est, Tantost est prinse pour ces prepositions Latines, A, Ab, E, Ex, comme, Je l'ay entendu de plusieurs, A multis audiui, De ceux-la, Ex illis, De Davus, De Dauo. Tantost est marque de possession, appartenance et dependance, comme, La maison de Pierre, AEdes Petri, Ce portique est de la ville, Haec porticus ciuitatis est, Ceste queuë est de ce veau, Haec cauda vituli huius est. Et à ceste cause est article du genitif, comme, de Pierre, Petri. Mais par les anciens, et aucuns modernes, et par aucuns peuples de ce royaume, elle estoit et est rejettée aux genitifs mis en regime et construction (comme disent les Hebrieux) disants, La venuë Jesus Christ, pour dire de Jesus Christ, et ainsi en use ordinairement Nic. Giles en ses Annales. Or estant mise seule, elle sert d'article au genitif envers les dictions significatives d'individuës, comme, Le chappeau de Pierre, Vmbella Petri, La femme de Jaques, Vxor Iacobi, La ceinture de Agnes, Cingulum Ignatiae, Estant accompagné de l'article de la diction où elle est premise, elle sert aussi envers les dictions significatives d'especes ou genres, comme, Le chaulme de l'avoine, Calamus aut stipula auenae, Le chanvre de la corde, Canape restis, voyez Du, Est prinse aussi pour à, ou en, comme de ce temps-la, pour, En ce temps-là, Tunc temporis, Et quand elle est en composition, elle change aucunement la signification du verbe auquel elle est accouplée, comme, Debattre, Desmentir, qui signifient quereler, contrarier ou agiter, reprocher la mensonge, là où battre et mentir signifient frapper et dire mensonges. Par où il appert qu'elle n'est pas destructive de la signification du verbe qui est joinct à elle, en quoy elle differe de la diction Des, laquelle apporte aux dictions qui sont composées avec elle signification contraire, comme desfaire, desconforter etc. Et posé que la prononciation Françoise n'y face difference quand les dictions qui luy sont joinctes par composition, commencent par consonante, comme desfaveur, desservice: si est-ce que là où les dictions joinctes à icelles commencent par voyele ou aspiration, la difference y est toute apparente, comme desordre, des-honneur, l'Espagnol et l'Italien n'ont aucun esgard aux dictions commençants par consone, et prononcent apertement, Disleal, Disfato, tout ainsi qu'ils l'escrivent.De aussi se prend pour Par, comme, Oncquesmais nul si beau don ne fut donné de Prince, c. par aucun Prince, Et le Chastelet de Paris et aucuns autres sieges, retiennent encores ceste forme de parler, la sentence, ou appoinctement donné de nous, c'est à dire, par nous. Le jugement donné de vous entre les parties, c'est à dire par vous Prevost de Paris ou vostre Lieutenant.De aussi augmente la signification d'aucunes dictions ausquelles elle est composée, comme en Detailler, Dérompre, Detail, Denombrement et semblables, lesquelles sont de plus effective signification que Tailler, Rompre, Taille, et Nombrement, et a en soy energie de penitus, omnino, ou funditus dictions Latines, Dehacher, hacher du tout et en pieces.De mon temps, Mea aetate.De tout temps, Ab omni aeuo.De prime face, Prima facie, Ce que Quintilien au livr. VII. chap. 11. dit Prima fronte, et le Languedoc n'en faisant qu'un seul mot, De primfront par apocope de la voyele A, c'est à dire d'abordée, d'entrée de primsaut, Primo congressu, mox in initio, Et la raison de ces deux manieres de parler, est celle qui est en l'oraison de Ciceron, In Pisonem oculi, supercilia, frons, vultus denique totus, qui sermo quidam tacitus mentis est, hic in fraudem homines impulit, etc. Et par ce que l'homme monstre autant de visages comme il a de passions en l'ame, car la peur ne le monstre tel que l'asseurance, ne la tristesse, tel que la joye, ne la cupidité tel que le contrecoeur, et ainsi des autres perturbations de l'ame, et par ce aussi que l'homme par le visage feint souvent le contraire de ce qu'il a au coeur, comme quand le coüard fait le hardi, Et cum aliquantisper naturam simulationis furca expulerit, mox illa recurrit, qui recursus est la seconde face d'iceluy. Ainsi lon dira que ce hardy feint aura de prime face estonné quelqu'un, lequel ayant reprins ses esprits, et luy donnant la chasse, devient asseuré par la seconde face d'iceluy, qui est la vraye face de coüard. Car du naturel de ces manieres de parler, de prime face, de primsaut, de primfront, d'entrée et d'abordée, est à presupposer la suite du contraire, Il m'a de prime face fait peur, mais apres je me suis rasseuré. Il m'a de primsaut resjouy, mais apres il m'a bien contristé. Les mutations doncques du visage, ont donné cours à ces manieres de parler. On peut dire aussi la raison de ceste maniere de parler de prime face proceder de l'ambiguité et du bransle de la veuë et jugement de celuy qui advise de loing quelque chose, ou apres s'estre passé long temps qu'il ne l'a veuë, et ainsi se rendroit en Latin, Primo aspectu, primo intuitu, comme, De prime face il m'a semblé estre un cheval, ou estre mon cousin, Primo obiectu, vt primum nutu obiectus est, equum aut sobrinum esse censui, Ce qui peut estre entendu ou avec ladite presupposition de la suyte de l'opposite, ou bien aussi absoluëment sans icelle adversative, comme, De prime face je l'ay recogneu, Prima facie, prima fronte illum agnoui, Car il n'est pas necessaire que l'adversative y soit annexée. Et ce qu'elle y est presupposée, est ce que le Jurisconsulte dit {{t=g}}hôs épi to pléiston,{{/t}} par ce qu'elle y est le plus souvent.De primfront acut. C'est à dire d'abordée, Prima fronte, Quintil. lib. VII. cap. 11. desquels deux mots cestuy-ci est composé par apocope de la voyelle A, et a aussi ceste maniere de parler ladite energie de presupposer la suyte du contraire, et un usage absolu sans ladite presupposition: voyez De prime face.De primsaut, acut. C'est d'abordée, d'arrivée, comme si vous disiez Primo saltu, Desquels deux mots il est composé par apocope de la voyelle o, et en est la metaphore prinse de ceux qui saillent (c'est à dire sautent) et doublent le saut pour ou attaindre en haut, ou franchir un espace en longueur, car s'ils n'attaignent ou franchissent du premier sault ce qu'ils veulent attaindre ou franchir, ils taschent d'y recouvrer par un deuxiesme, troisiesme et autres sauts. Et est ceste maniere de parler usitée tant avec presupposition de suyte du contraire, comme, De primsaut je luy ay fait peur, mais il m'a bien fait prendre la guarite et fuyr à vau de route, Primo quidem assultu illum perterrefeci, verum ille mox me in fugam effusam coniecit, Et absoluement sans ladite presupposition, comme, De primsaut je l'ay conquis, Primo assultu manucepi, deuici, Car il n'est necessaire en tel exemple que le contraire, assavoir, qu'il me soit eschappé, ou autre telle chose se soit ensuyvie, voyez De prime face.II.De loisir, Cerchez Loisir.
Thresor de la langue françoyse. Jean Nicot.